Comme un gant...

C'est aux portes du manoir de Lord Nathaniel que, au cœur de la nuit, un étrange individu se matérialisa. Il avait, d'une manière ou d'une autre, dépassé le portail sans l'ouvrir, et se tenait devant l'entrée, raide comme une planche, sans faire le moindre mouvement. Il ne frappait pas, et ne manifestait sa présence d'aucune façon, si bien qu'il fallu attendre que le garde-chasse ne l’aperçoive pour que l'alerte soit donnée. En moins de temps qu'il n'en fallait pour le dire, l'intrus fut encerclé d'hommes armés, et sommé d'expliquer les raisons de sa présence.

* Nous voulons traiter avec Celui qui observe * s'éleva une voix, dans l'esprit des personnes présentes. Un silence s'installa un moment, provoqué par l'étrangeté de ces paroles, et surtout par cette voix qui semblait venir d'outre-monde.
Ce bref instant écoulé, les questions reprirent de plus belle. De nouveau, l'intrus resta de marbre, figé comme un épouvantail. Il répéta les mêmes mots que précédemment, d'un ton si similaire que la ressemblance faisait froid dans le dos.

L'échange dura ainsi presque une heure, durant laquelle l'homme répétait inlassablement la même phrase énigmatique. Il fallu attendre que l'un des gardes aille prévenir la hiérarchie pour que la situation évolue enfin. On s'assura alors que l'individu n'aie aucune arme sur lui, puis on l'invita à pénétrer dans le manoir, sous bonne surveillance. C'est alors que les personnes présentes remarquèrent l'étrange accoutrement de l'intrus: un couvre-chef en matière rigide, un costume sombre en matière souple, un étrange rubans noué autour de son cou, et surtout une paire de gants rouges de facture exceptionnelle. Cette tenue éveilla une telle curiosité que l'un des gardes lui demanda le nom de son tailleur, requête à laquelle il ne fut donné suite.

* Nous voulons traiter avec Celui qui observe * résonna de nouveau la voix. Il semblait que la situation était bloqué, car aucune des personnes présentes ne semblait capable de donner un sens à ces étranges paroles...

Chef de Clan

Nathaniel, comme toujours, était resté assis dans l'ombre de son palais, enfin, à ce stade ce n'était pas vraiment un palais mais plus un quartier général puisque rien, absolument rien, dans tout ce manoir de marbre et de bois sombre, ne semblait personel. L'on ne pouvait distinguer les différents quartiers, ni même les chambres, l'on avait plus l'impression de marcher à travers une base militaire ou autre chose de ce genre. Très impersonnel. Le chef de clan était resté ainsi, les yeux clos, sondant la ville à travers son clan, écoutant à travers les murs, découvrant à travers chaque dalles de chaque pièces. Il avait vu, écouté et ressenti cette journée sans vraiment en apprendre bien plus. Jusqu'à il y a une heure environ. De l'agitation se produisait aux portes du palais. Il soupira un temps avant de se lever de son trône pour en quitter la salle. Il ne savait pas qui il accueillait mais de ce qu'il en entendait, il allait falloir faire différemment cette fois. Ses pas résonnaient dans les immenses couloirs et corridors, sa cape de noir et d'or traînant dans son dos, semblant effacer sa trace. Il ouvra ainsi les portes d'un grand salon, plus ou moins vide, où il prépara un peu de thé. Il déposa les tasses sur la table en bois sombre centrale. Il se redressa en ordonnant à ce qu'on fasse entrer l'individu. La pièce n'avait rien de royal, juste un simple salon fait de murs marbrés de gris et un sol grinçant sous leur pas. Il entendit la voix de l'homme s'élevé à nouveau ... Si l'on pouvait appeller cela une voix.

Faîtes-le entrer.

Il observa les gardes apporter l'homme jusqu'à lui, ne bougeant pas d'un centième, debout en face de la porte, une main dignement posée sur l'une des chaises, il fixait l'homme avec cet air impérieux et calme qui lui était habituel. Après avoir fait un geste bref, ses gardes quittèrent la pièce.

Serais-je l'homme de votre requête ?

Introduit dans la grande pièce de réception, dont la surface était ponctuée par une petite poignée de meubles, l'inconnu au costume fut laissé en compagnie du maître des lieux. L'agitation laissa alors place à un silence pesant, alors que le dernier garde disparaissait dans l’entrebâillement de la porte.

Serais-je l'homme de votre requête ? questionna d'abord le Lord, d'un ton impassible.

L'homme aux gants rouges, resté immobile comme un roc, avait le visage orienté vers celui de son interlocuteur. Chose étrange, lorsqu'il s'exprima en retour, le son ne semblait pas venir de sa bouche, mais de son corps tout entier:

* Vous êtes Celui qui observe. Vous êtes l'homme de notre requête. * répondit l'invité surprise.
* Nous sommes venu vous proposer un traité. *

Après une courte pause, l'homme aux gants rouges s'expliqua.

* La Grand'Race parle à travers nous. L’Orchestre a attiré notre regard, mais nos yeux sont aveugles dans le brouillard. *

Ces paroles énigmatiques révélées, l'individu esquissa pour la première fois un mouvement, et leva un bras à hauteur d'épaule, en direction du seigneur Nathaniel. Au même moment, un étrange son, similaire à un gargouillement d'évier ou d'estomac, sembla s'élever de son corps. Il poursuivit:

* Nous avons mille yeux pour épier, mille oreilles pour entendre, mille bras pour agir et mille bouches pour dévorer. *

Alors qu'il parlait, sa main gantée sembla se tordre, et son bras se boursouffla jusqu'à doubler de volume, avant que de sa manche ne s'écoule lentement un amas de matière organique indescriptible. Cette chair molle semblait se modeler d'elle même, se tassant, s'enroulant, s'étirant à volonté, tandis qu'à sa surface germaient de multiples dents, griffes et yeux globuleux, de tailles et de forme diverses. Bientôt, il ne restait plus rien du bras ganté de l'homme, et se tenait à la place une énorme masse tentaculaire aux multiples bouches, orifices et orbites monstrueux. Le tout flagellait lentement, à la manière d'une pieuvre.

* Nous voulons dissiper notre brouillard. Notre allégeance appartient à Celui qui observe. * acheva-t-il.

Un long silence s'en suivit, durant lequel l'immonde tentacule se dégonfla lentement, jusqu'à disparaître dans la manche d'où il était venu.
En résumé, L'Homme aux Gants Rouges proposait d'offrir ses services au clan du Lord Nathaniel, le clan le plus riche en informations. En échange, la "Grand'Race" dont il était l'émissaire pourrait conserver un œil sur Dead Orchestra.
En l'attente d'une réponse, l'étrange visiteur était de nouveau parfaitement immobile et silencieux.

Chef de Clan

L'homme regardait celui qui se présentait à lui. Il l'analysait plus qu'il ne le regardait. Des vêtements d'une époque décallée, un physique presque trop discret. C'est simple, si l'on tournait la tête, l'on pourrait même croire qu'il n'est plus là. Il le fixa longuement, posant son regard sur ses gants rouges un temps avant de revenir à son visage. Quelque chose clochait avec sa voix et, bien qu'il mit du temps avant d'y parvenir, il remarqua que l'homme ne bougeait pas des lèvres lorsqu'il parlait. Il se nommait d'ailleurs à la première personne du pluriel, comme un Roi. Mais Nathaniel se doutait bien qu'il ne faisait pas cela parcequ'il en était un, mais bien parcequ'il y avait quelque chose derrière. Ses paroles étaient pour le moment complexes, enigmatiques, mais cela ne l'empêchait pas de dicerner, plus ou moins, ce qu'il désirait. Lorsqu'il leva son bras, le Lord recula en position de défense, se méfiant toujours, même de ses propres membres. Il fronça des sourcils en hochant très légèrement la tête sur le côté à sa deuxième phrase. Puis il observa son bras.

Ce qui s'y produisit fut surprenant mais ne le choqua point, il en avait vu tellement à travers les yeux de cette ville, que cela n'était que mineur. Il tourna calmement autour de l'homme, le détaillant avant de regarder à nouveau son bras, n'osant approcher sa main pour effleurer cette chose hideuse mais du moins pas repoussante, en tout cas pas pour lui. Il avait vu trop de choses pour que cela puisse éventuellement lui offrir un frisson. Il fixait les yeux et les griffes avec détails, les sourcils légèrement froncés. Puis il regarda le bras reprendre sa forme initiale, se replaçant en face de lui avec calme, d'un pas toujours méfiant, discret. Il laissa un silence s'écouler, se redressant légèrement.

Vôtre offre est effectivement tentante. Mais avant d'accepter, je dois m'assurer que vous ne serez pas source de problèmes.

Sur ces paroles, Nathaniel s'installa à la table centrale, ne touchant pas au service à thé qu'il avait pourtant installé là. De toute façon, il se doutait bien que l'homme ne boirait rien.

Vous accueillir est un honneur. Mais votre comportement, vos gestes, attirerons l'oeil. Avez-vous pensez à une fausse identité ? Car ... Je suppose que votre ... "couverture" ... n'a pas de nom ?

Il ne savait pas comment le nommer, il ne voulait pas savoir son vrai nom cependant. Dans ce clan, chacun à ses secrets, chacun à son identité, si l'on arrive pas à s'entendre, ce n'est pas grave. Personne ne se mêle de la vie de personne. Cependant, il serait bête qu'à un moment donné, un scandale éclate et un chef vienne demander un nom. Alors à ce moment-là, Nathaniel devra en donner un, même si ce dernier est fauX.

En vous acceptant dans mon clan, je prends la responsabilité de tout vos actes. Si quelqu'un, à n'importe quel moment, me demande un nom ... Je devrais en donner un, juste afin de le satisfaire.

Le seigneur du clan était méfiant, chose compréhensible étant donné que ce nouvel arrivant pouvait venir de n'importe où. L'humanité avait besoin d'un nom propre, pour désigner cet être. Cependant, l'étrange personnage ne semblait pas en mesure de lui en donner un.

* Nous sommes le Pharaon Noir, la Dame Boursouflée, la Langue Sanglante, la Chauve-souris des Sables, le Dieu sans visage, le Chaos Rampant, le Vent Sombre, l'Homme Blanc, le Masque Jaune... Nous sommes légion. L'humanité nous désigne sous différents noms pour nous distinguer, mais nous ne formons qu'un. *

Après une courte pause, l'homme ganté reprit.

* La majorité des esprits humain ne peuvent saisir notre Nom véritable sans être détériorés. * admit-il. * L'humanité doit utiliser son propre dialecte pour nous désigner, comme elle l'a toujours fait... *

Il était donc impossible pour l'inconnu de transmettre son nom par la pensée. Si l'esprit du seigneur Nathaniel était sans aucun doute capable de supporter et de "comprendre" ce nom, il était évident que ce n'était pas le cas de tous.
En revanche, bien qu'il était impossible de nommer l'entité qui s'exprimait à travers le pantin, il était toujours envisageable de nommer le pantin lui-même...

* Serez-vous l'auteur de ce nom? * acheva l'homme aux gants rouges, laissant du même coup le choix au seigneur des lieux.

Chef de Clan

Apparemment, même avoir un nom était quelque chose d'extrêmement complexe pour cette ... créature. Enfin, il n'avait surtout pas comprit que Nathaniel ne s'intéressait pas en sa véritable identité, non pas qu'il ait peur de savoir, mais surtout parcequ'il est toujours bon de garder certaines choses sous silence. Et ceci semblait faire partie de ces choses là. Après un bref soupire, Nathaniel se servit une tasse de thé, fixant toujours la créature alors qu'il buvait une gorgée. Il ne pouvait définitivement pas voir la personne face à lui comme un humain. Après un moment de silence, il entendit sa question.

..? Vous désirez que je vous trouve un nom ...? Bien.

Après réflexion, ce n'était pas si mal. Dieu sait ce que cette créature aurait choisi comme nom inapproprié qui aurait encore plus axé l'attention sur lui. Il du réfléchir a quelque chose de plus ou moins banal mais pas non plus impossible. Cependant, peut-être qu'il risquait d'heurter la personne, il ne connaissait ni ses origines, ni ses ... "goûts" ... Si cette "personne" en avait. Mais bon, à ce moment précis, il ne fallait pas trop hésiter.

... J'avais un soldat à l'époque qui a dû fuir pour se protéger et qui compte revenir avec une nouvelle identité, prendre la sienne ne vous apporterait aucun problème. Pas de famille. Pas d'amis. Juste sa loyauté au clan. Il se nommait Elijah Darkwood.

Il se leva pour prendre un dossier dans l'immense armoire derrière lui, le dépoussiérant à la main après avoir soufflé dessus. Il posa ce dernier sur la table. Le dossier était fin, peu rempli, mais contenait toute les informations concernant l'homme. Son adresse, les personnes qu'il avait tué, les personnes qu'il avait espionné, ainsi que les personnes avec qui il avait échangé des informations, ceux-ci pouvant essayer de revenir prendre contact. Il faudra d'ailleurs les éliminer sur le champ s'ils voient qu'Elijah a soudainement "changé" de visage.

Si le nom ne vous convient pas, vous pourrez le changer. En attendant prenez ce dossier ... Au cas où.

Il fixa la créature un long moment avant de se rapprocher.

Bien que ce clan ait une définition très particulière de la confiance, sachez que je vous ... "offre" ... la mienne. Je vous nomme Bras Droit, non seulement pour vous assurez protection, mais aussi pour garder un oeil sur vous.

Elijah Darkwood. Lorsque ce nom fut proposé à l'inconnu, le pantin fit un effort pour hocher de la tête, en signe d'approbation. Cela ne semblait être le cadet de ses soucis, et curieusement, il ne chercha pas à le répéter. La raison ne tarda pas à se faire connaître:

* Nous pouvons porter ce nom, mais ne pouvons le prononcer. Nous communiquons par notions, que votre esprit retranscrit par des mots. Il n'existe pas de notion pour exprimer un nom propre. *

L'homme orienta la tête vers le dossier contenant sa fausse identité. Il fixa un moment le document, immobile, comme s'il photographiait mentalement ces informations. Prendre l'identité d'un autre avait son pesant de problèmes, et le nouveau venu se doutait bien que l'ancien Darkwood n'avait pas délaissé son nom pour rien. Un jour ou l'autre, les ennuis se feraient connaître. Dès lors, il n'aurait qu'à disparaître un moment, ou bien à régler le problème définitivement. C'était une couverture fragile qu'il valait mieux préserver.

Le pantin eut un tic brusque au niveau de l'épaule, ce après quoi il secoua le bras de manière méthodique. Il prit alors le dossier de sa main gantée et le glissa à l'intérieur de sa veste.

Bien que ce clan ait une définition très particulière de la confiance, sachez que je vous ... "offre" ... la mienne. Je vous nomme Bras Droit, non seulement pour vous assurez protection, mais aussi pour garder un œil sur vous.

Bras droit. Une grande responsabilité dans une telle organisation, mais aussi une mise à l'épreuve. Comme à son habitude, l'homme aux gants rouges n'émit pas le moindre signe de réception. Intérieurement, il comprenait parfaitement sa situation.

* La Grand'Race vous exprime sa gratitude. * dit-il simplement. * Notre allégeance appartient à Celui qui observe. *

Restait à savoir quelles allaient être ses premières directives...