Daydream [libre]

Fils du Dragon

Le sable crissait à chacun de ses pas, doucement, presque imperceptiblement... Céleste longea tranquillement les eaux noires, presque plus sombres que les nuages qui couvraient le ciel. Il allait neiger, il pouvait presque le sentir dans son être. Cela l'aurait agacé, en temps normal. Mais voilà, il avait d'autres soucis en tête, actuellement. Cette guerre, le dragon en lui qui semblait s'éveiller un peu plus chaque jour... Il avait juste besoin de calme, pour tout mettre au point, pour penser en paix, sans influence, loin du bruit de la cité.

Céleste tourna son regard obsidienne vers la mer sombre, continuant à marcher à pas souples. Amusant... Il n'avait pas remarqué qu'il semblait tout à fait adapté au décor. Cheveux cendres, couleur du ciel. Veste et pantalon noirs, bien coupés, sobres et élégants, regard sombre, couleur de mer. Chemise et peau blanches, couleur du sable, et de la neige qui tomberait bientôt. Non, stop, il fallait qu'il arrête de penser cela, rien ne lui prouvait qu'il allait neiger, si ce n'était cet obscur instinct, auquel il refusait de se fier. Céleste rajusta sa lame dans son dos et se dirigea vers une série de rochers un peu plus loin, où il se percha d'un moment souple, trop reptilien à son goût.

L'adolescent releva son regard vers les nuages, adossé au roc noir. Silence et sérénité, sous le ciel orageux, crépusculaire... Pas de navires à l'horizon. Tant mieux. Il n'était pas pressé de retrouver la guerre. Oh, certes, il irait au combat, avec ardeur, même, vu que c'était pour protéger cette cité qu'il aimait. Mais tuer n'était pas ce qu'il préférait, et cette fois, il serait au coeur des combats, pas comme lorsqu'il était prince d'un royaume perdu dans les glaces, et escorté, surveillé. Il sourit doucement en se rendant compte qu'il n'aurait pour rien au monde échangé sa situation actuelle contre celle d'autrefois.

Invité

Il faisait froid aujourd'hui. Bianca s'était levée seule, avait déjeuné seule, et se sentait seule. Elle n'avait pu croiser ni Atsushi le coincé, ni Morwen le désinvolte, et elle ne connaissait que trop peu de monde en ville pour passer agréablement le temps. Par ailleurs, le rêve de sa nuit solitaire avait abîmé son coeur et elle se sentait remplie de tristesse. La belle alchimiste passa sa matinée à songer à son cher magicien et à son vieux maître, à l'orphelinat où elle avait grandi, à tous ses amis qu'elle ne reverrait jamais... rien n'allait. Vêtue d'un épais manteau blanc à fourrure au niveau du col et des manches, qui recouvrait la robe qu'elle avait acheté en compagnie de Morwen, elle sortit et se dirigea vers l'endroit le plus propice à sa solitude : le bord de mer.

Tout était si sombre et tumultueux. Le ciel semblait tout aussi esseulé qu'elle et le sable fin dans lequel s'enfonçaient les talons de ses bottes chantait très discrètement, hurlant cependant au passage des vagues à sa surface. Quelques coquillages, des petits cailloux, des algues plus ou moins sèche, et un temps oppressant, Bianca ne s'était que rarement sentie aussi vide et inutile. Elle marcha longtemps, longtemps, en pensant encore et encore... des larmes lui vinrent. Elle essuya promptement ses yeux maquillés de noir, qui repérèrent au loin une silhouette juchée sur des rochers.

Elle accéléra le pas, muée par un intense besoin de partager l'air frai qu'elle respirait avec quelqu'un, n'importe qui. Un homme, une jeune homme même, avec de superbes cheveux et une peau presque aussi blanche que la neige. Elle arriva près de lui, en pleurs, et s'arrêta à deux mètres à peine de sa présence. Elle le regarda, les yeux embués de larmes et lui sourit.

"- Monsieur... parlez-moi... parlez-moi je vous en prie..."

Rongée par ses regrets et sa tristesse, elle tomba à genoux dans le sable, ses mains allant recouvrir son visage sur lequel coulait le noir autour de ses yeux. Elle n'en pouvait plus de ce vide en elle, il fallait qu'on l'aide, qu'on lui tienne chaud au coeur et au corps.

Fils du Dragon

Les yeux obsidienne passèrent sur l'horizon, vérifiant machinalement qu'aucun vaisseau ne s'approchait de la côte. En même temps, vu le climat actuel, il faudrait un peu de temps avant de les voir... Ses yeux se détachèrent un instant de la mer pour aller errer sur la plage, repérant la silhouette vêtue de blanc au loin. Une jeune femme, aux cheveux roux, qui se pressait dans sa direction. Pas de danger apparent, même son instinct ne l'avertissait pas, si ce n'est qu'il avait l'horripilante impression qu'il allait neiger sous peu. Il sauta donc à bas de son rocher, inquiet de la voir dans un tel état. La phrase le cloua sur place de stupeur, les larmes qui perlaient au coin des yeux maquillés de noir éveillant un pincement dans ce coeur qu'il pensait de glace.

D'un mouvement souple, il s'agenouilla à côté de la jeune femme, sa voix calme prononçant les premiers mots qui lui venaient à l'esprit, sans vraiment y réfléchir.

Du calme, Miss... Alors, je ne sais pas trop par quoi commencer... Mon nom, peut-être. Céleste, ce qui cadre bien avec le ciel actuel. Ce que je fais ici... J'avais juste besoin de penser à certaines choses, et la mer me calme toujours dans ces cas-là. Juste entendre le son des pas, le sable qui crisse et les vagues qui se jettent contre le roc...

Bon, il avait l'impression de dire un tissu de bêtises insensées mais... Ce n'était pas ce qui comptait. Elle lui avait demandé de parler, il obéissait. Il se pencha légèrement vers elle et lui tendit un mouchoir de tissu blanc avec un léger sourire.

Tenez. Serait-il indiscret de vous demander votre nom ?

Il repoussa une mèche couleur cendre de devant son regard, soucieux de voir la jeune femme dans un tel état, n'osant demander ce qui était la source d'une telle tristesse de peur de l'empirer.

Invité

Elle voulait qu'on lui parle, pour qu'elle cesse de pleurer. Elle voulait des mots, même les plus bêtes et les plus méchants, pour attirer son esprit autre part que vers ces horreurs qui la hantaient et la faisaient mentir. Le jeune homme avait été par miracle compréhensif et s'était immédiatement exécuté, se présentant poliment. Bianca essuya une larme, remuant ses pensées fugitives pour capter toutes les syllabes prononcées. Comme elle devait être laide à présent, le visage souillé par les traits humides et noirs de son maquillage dégoulinant... elle prit le mouchoir gentiment tendu avec un sourire forcé, ses sanglots ayant du mal à s'arrêter. D'un geste élégant mais désespéré, elle essuya les preuves noires de ses pleurs et osa se moucher. Elle releva ensuite la tête vers le jeune homme avec cette fois, un sourire sincère.

"- Merci. Mais il est tout sale, maintenant."

Elle le lui laverait et lui rendrait une fois qu'il serait propre. Bianca se sentait légèrement mieux, son esprit combattif reprit le dessus, mué par son désir de ne jamais se plier au sort des autres gens, de ne jamais abandonner quelles que soient les difficultés. Elle avait bien des raisons de pleurer, mais avait été très impolie de supplier ainsi la première personne venue. Ses yeux encore humides détaillèrent le personnage singulier en face d'elle, Céleste d'après ses propres dires. Beau garçon, jeune, quelque chose de surnaturel émanait de son regard sans pupille.

"- Je m'appelle Bianca... excusez-moi, je dois vous avoir énormément surpris et dérangé. J'avais vraiment besoin que l'on me parle. Merci."

Elle lui tendit la main pour qu'il l'aide à se relever. Quelques pensées obscures flirtaient encore avec l'espoir renaissant, mais la jeune alchimiste ne voulait plus se montrer aussi faible.

Fils du Dragon

L'adolescent secoua doucement la tête, soulagé de voir que son interlocutrice semblait petit à petit se remettre, toujours prudent à ne pas commettre d'impair, à ne pas réveiller la douleur de la jeune femme d'un mot maladroit. Il se releva d'un mouvement souple, le sable clair crissant sous ses pieds.

Ce n'est rien. En effet, vous m'avez surpris, mais pas dérangé. J'aurais fini par ruminer des pensées sur lesquelles il vaudrait peut-être mieux ne pas trop s'attarder.

Il prit la main tendue et l'aida à se relever avec une politesse exemplaire. Apparemment Bianca, puisque c'était son prénom, semblait se remettre un peu, bien que ses yeux soient encore humides. Bon autant continuer à parler, si cela semblait l'apaiser... Il passa la main dans sa crinière claire, choisissant ses mots avec plus de soin maintenant qu'il n'était plus pressé par les larmes qui avaient coulé sur ce visage.

Je vous en prie, ne vous excusez, pas c'est naturel. Toutefois, si je puis me permettre... Pourquoi avoir choisi ce lieu ? Ce n'était pas là où vous aviez le plus de chances de croiser âme qui vive...

Il sourit gentiment, comme pour lui signifier que ce n'était qu'une curiosité de sa part, qu'elle pouvait tout à fait ne pas répondre, si cela la dérangeait ou réveillait sa douleur. C'était plus fort que lui... Il détestait blesser les gens, mentalement parlant. La guerre était son métier, mais pas le fait de déchirer psychologiquement des gens ne lui ayant rien fait, voire, dans ce cas, étant venu lui demander de l'aide. Oui, cela faisait un peu chevalier blanc de conte, mais... Il avait été élevé comme ça, et c'était l'une des convictions les plus profondément ancrées en lui.

Invité

Apparemment, ils étaient tous deux venus ici pour les mêmes raisons. Se couper du monde, fuir un peu, réfléchir... une fois debout, Bianca offrit un plus large sourire à son interlocuteur, considérant la question qu'il lui posait. Elle baissa un peu la tête et tout en s'époussetant du sable resté collé à son long manteau, elle répondit :

"- J'avais besoin d'être seule... c'est paradoxal, puisque je suis venue vous parler. Disons qu'il me fallait juste du temps pour réfléchir et me secouer les puces."

Elle redressa la tête et referma un peu le col de son manteau, ses beaux cheveux roux volant légèrement au vent.

"- Je ne m'attendais pas à ce que vous me parliez aussi vite et sans vous poser de questions surtout, rit-elle ensuite. Merci beaucoup, Céleste. Je me sens bien mieux."

Le jeune homme était plus commode qu'il n'y paraissait. Si elle l'avait vu dans la rue, comme ça, elle aurait peut-être pensé qu'il était atteint de la maladie dont Morwen parlait sans cesse. Il semblait en fait attachant et ouvert.

Fils du Dragon

L'adolescent sourit légèrement, ses mèches couleur de cendre ondulant doucement dans le vent, ne se donnant pas même la peine de fermer son manteau sombre, comme si le froid ne l'affectait pas. ce qui était d'ailleurs le cas. Il arrangea sa crinière indocile de façon à laisser la marque de sa joue masquée avant de lui répondre, serein.

Et bien, j'étais intrigué, mais... Je crois que mes réflexes militaires ont repris le dessus avant ma curiosité. Mais pendant un instant, j'ai vraiment eu l'impression que mes mots étaient la seule chose qui vous rattachaient au monde, qu'il fallait vraiment que je ne prenne pas même le temps de réfléchir à ce que je disais sans quoi vous auriez disparu comme un spectre emporté par le vent...

Oui, il avait presque cru à une apparition, tant il était surpris de trouver quelqu'un alors qu'il pensait être seul, et quelqu'un dans un tel état de tristesse, surtout. Les vieilles légendes de sa contrée natale lui étaient alors revenues en bloc, celles narrant d'étranges histoires à propos du vent prenant forme humaine pour évoluer parmi les hommes et retrouver son aimée, retenu uniquement par le regard de ceux qu'il croisait, des esprits de la neige espérant retrouver, par les histoires qu'on leur contait, leur propre passé oublié... C'était peut-être stupide mais ç'avait été l'une des pensées qui avaient traversées l'esprit de Céleste.
Il releva les yeux vers le ciel gris, légèrement agacé de constater que son instinct semblait ne pas le tromper, les nuages gris se rapprochant. Enfin, ce ne serait peut-être pas de la neige, tenta-t-il de se convaincre, peut-être juste de la pluie ou un vilain orage. mais au fond de lui, une voix lui souffla que ce serait de la neige, qu'il le savait d'expérience.

Vous sentez-vous suffisamment remise pour commencer à reprendre le chemin de la ville, que nous puissions continuer à l'abri ? Le temps joue contre nous, je crains...

Si Bianca préférait rester à l'écart du contact humain, il y avait toujours une petite grotte un peu plus loin, qui était tout à fait confortable et abordable vu que la marée était basse...

Invité

Bianca écouta les mots superbes qui sortaient de la bouche du jeune homme ; superbes, c'était le mot, car ils correspondaient tout à fait à ce que l'alchimiste pensait lorsque ses larmes coulaient. Elle avait en effet eu un besoin vital d'entendre une voix, des paroles, aussi grossières et malpolies auraient-elle été. Il lui avait fallu savoir qu'elle n'était pas seule et qu'il existait d'autres vies qu'elle en ce triste instant qui avait été sien. Céleste était apparu et l'avait sauvée d'un néant sentimental certain. Il l'avait sauvée de cet état spectral qu'elle répugnait tant. Elle baissa les yeux, stupéfaite par le talent d'orateur du garçon, lorsque celui-ci lui proposa de s'abriter. Bianca leva à son tour les yeux vers le ciel peu clément qui les surplombait. Retourner en ville...? Même s'il n'y avait que ça à faire, elle n'en ressentait nulle envie. Même si elle connaissait Céleste depuis fort peu et qu'il avait certainement mieux à faire que discuter avec elle, la jeune femme ressentait le besoin de rester en sa compagnie. Egoïstement, il était bien vrai. Elle le regarda à nouveau et répondit avec un sourire :

"- S'il y a moyen d'éviter la ville, je préfèrerais. Ceci-dit, j'ai certainement déjà bien trop abusé de votre gentillesse et je pense me retirer. Je ne voudrais pas que vous perdiez votre temps."

Elle disait ça mais sa voix la trahissait ; il n'y avait aucune croyance en ses paroles. Son coeur hurlait son besoin de rester en compagnie du jeune homme, il n'avait pas envie d'être seul à nouveau. Rien qu'en y songeant, elle sentit de nouvelles larmes pointer aux creux de ses yeux mais elle leur barra la route d'un agile battement de paupières.

Fils du Dragon

L'adolescent lui adressa un sourire rassurant à ses dernières paroles. Sa voix la trahissait, et il s'en serait de toute façon voulu de la laisser ainsi, seule, avec ce cri muet au fond de son regard.Impensable, impossible. Il s'inclina avec grâce, un léger sourire aux lèvres.

Aider quelqu'un n'est jamais perdre son temps. Tenez, il me semble qu'il y a une petite grotte juste par là, nous pouvons nous y abriter, si vous voulez. Il va neiger...

La dernière phrase lui avait échappé avant qu'il n'ait pu faire quoi que ce soit. Comme une évidence prononcée sur un ce ton qu'ont les vérités. Maudit dragon, maudit instinct... Pourquoi fallait-il qu'ils reviennent toujours à la charge ? Il secoua doucement ses mèches grises, embarrassé puis présenta galamment son bras à la jeune femme avant de prendre le chemin de la grotte évoquée d'un pas calme. Elle n'était pas loin, nul besoin de se presser, après tout... Les nuages formaient de grosses masses de toutes les teintes de gris, allant du presque blanc au presque gris. Le risque de pluie ou de neige ne viendrait qu'un peu plus tard, lorsqu'ils ne formeraient qu'une nuée sombre...

Dites-moi, si ce n'est pas indiscret, vous avez un métier, une occupation particulière ?

Il ne savait pas si c'était son éducation impeccable ou une sorte d'instinct qui le poussait à ne pas laisser le silence s'installer, mais, puisqu'il en était là, autant continuer...

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